Pourquoi je ne suis pas Charlie ? Autrement dit, pourquoi, tout en étant horrifié, comme (presque) tout le monde, par les tueries perpétrées à Paris, je ne me suis pas précipité dans la rue pour « défendre la liberté d’expression » ? La réponse n’a pas tardé à m’être fournie.
D’abord, cela a commencé dès le 11 janvier quand j’ai vu, par exemple, des chefs d’Etat ou de gouvernement connus pour leur très grande tolérance défiler au premier rang sans que cela paraisse gêner les organisateurs de la marche. Assurément, je n’avais rien à faire au milieu de tant de gens qui ont une conception élastique de nos principes fondamentaux et j’approuve, entre autres, un Pape Diouf, ancien président de l’OM, qui a qualifié bien des participants d’opportunistes ou d’hypocrites.
Ensuite, sont tombées deux informations qui prouvent que rien n’a changé et ne changera. Que, malgré certains beaux discours comme ceux du Premier ministre, on demeure dans le déni. Que des mots, que des thèses restent tabous. Qu’ils sont systématiquement montrés du doigt avant d’être condamnés, sans même que le moindre débat puisse être ouvert.
Qu’a dit le journaliste Philippe Tesson pour qu’on voie aussitôt le parquet de Paris ouvrir une enquête à son sujet pour « incitation à la haine raciale » ?
Participant à une émission de radio sur le thème des derniers attentats, il s’est permis d’exprimer une évidence, à savoir que le problème de l’atteinte à la laïcité venait des musulmans. Alors, certes, il a cru bon de préciser sa pensée en déclarant que c’étaient les musulmans qui amenaient la merde aujourd’hui en France. Un raccourci excessif et sans doute maladroit. Mais parler de haine raciale, comme le parquet (sans doute très attaché à la liberté d’expression) l’a fait, est des plus étonnants. Depuis quand une religion est-elle assimilée à une race dans un pays où, de plus, ce concept est qualifié d’invention du racisme et donc rayé de la carte ?
Qu’a dit l’avocat Arno Klarsfeld pour être convoqué par le tribunal de grande instance de Nanterre en vue d’une mise en examen ?
Lui, c’est à la télévision qu’il a prononcé une phrase interdite : « Non, la France n’est pas antisémite. Il y a une partie de l’extrême-droite qui l’est vigoureusement. Une partie de l’ultra-gauche et les islamistes également. » Jusque-là, ça va. Mais il a eu l’inconscience d’ajouter : « Et une partie des jeunes de banlieue aussi. » Alors, là ça ne va plus.
Arno Klarsfeld est donc poursuivi pour « avoir porté atteinte à la considération et à l’honneur des jeunes de banlieue » ! Eh oui, c’est un nouveau délit, ça vient de sortir…
Extrême-droite, ultra-gauche, islamistes… : vous pouvez stigmatiser, voire diffamer. Mais pas question de toucher aux jeunes de banlieue !
